RDC-Rwanda: Donald Trump et la paix dans les Grands Lacs – Mirage diplomatique ou tournant historique ?

RDC – Rwanda: Une nouvelle médiation américaine pourrait redessiner les lignes de la guerre en RDC. Mais derrière les promesses de paix, se cachent des intérêts géostratégiques et économiques bien calculés.
Congo Heritage
L’annonce d’une possible percée diplomatique dans le conflit qui déchire l’est de la République démocratique du Congo depuis plus de trois décennies a surpris plus d’un observateur. Et pour cause : c’est Donald Trump, figure controversée de la politique américaine, qui s’en est fait le porte-voix, affirmant que de « grandes nouvelles » allaient bientôt émerger de cette région meurtrie.
Selon les informations relayées par le Bloomberg Africa Briefing, cette déclaration suit une rencontre tenue à Washington entre les autorités congolaises, rwandaises et le secrétaire d’État américain Marco Rubio — dont le rôle dans la diplomatie africaine s’est récemment renforcé dans l’administration Trump. À cette occasion, un accord de principe aurait été esquissé, promettant un projet d’accord de paix à finaliser d’ici la fin de la semaine.
De la guerre à l’or noir des technologies : la diplomatie des minerais
Le président congolais Félix Tshisekedi n’a pas caché ses intentions. Il a proposé à Washington un accès privilégié aux minerais stratégiques du Congo — cobalt, lithium, coltan —, essentiels à la transition énergétique mondiale, en échange d’un appui américain contre la rébellion du M23. Ce groupe armé, accusé par les Nations unies d’être soutenu par le Rwanda, demeure une épine dans le pied de Kinshasa, et un facteur majeur de déstabilisation dans la région.
Ce donnant-donnant, typique de la diplomatie transactionnelle chère à Trump, pourrait bien séduire certains milieux d’affaires américains, friands d’opportunités dans l’industrie minière. Le projet va même plus loin : les parties s’engageraient dans des projets conjoints de développement dans les secteurs de l’hydroélectricité, de la conservation des parcs nationaux, et de la structuration des chaînes d’approvisionnement en minerais — tous en partenariat avec des investisseurs américains.
Les limites d’un accord sans mémoire
Mais cette vision « win-win » occulte une réalité beaucoup plus complexe. Le conflit des Grands Lacs ne se résume pas à une querelle de minerais. Il est enraciné dans les conséquences du génocide rwandais de 1994, dans l’effondrement de l’État zaïrois sous Mobutu, et dans des décennies de manipulations ethniques transfrontalières. L’entrée des génocidaires hutus au Congo a provoqué deux guerres régionales (1996 et 1998) et une prolifération de groupes armés encore actifs aujourd’hui, certains avec des complicités régionales.
Depuis, des intérêts puissants — qu’ils soient militaires, politiques ou économiques — se sont nourris de ce chaos. Milices, contrebandiers, élites locales et partenaires étrangers ont bâti une économie de guerre résiliente et lucrative. Convaincre ces acteurs de renoncer à leurs rentes pour une paix durable ne se fera pas par la seule promesse d’investissements américains.
Washington, arbitre crédible ?
Le scepticisme est donc de mise. L’histoire récente de la diplomatie américaine en Afrique centrale est faite d’interventions ponctuelles, souvent motivées par des intérêts sécuritaires ou économiques plutôt que par une vision de long terme. En outre, l’administration Trump s’est montrée peu investie sur le continent, réduisant les aides au développement et les coopérations multilatérales.
Mais paradoxalement, c’est peut-être cette approche brute, décomplexée et purement pragmatique qui peut secouer les lignes. Si la paix devient une opportunité économique — à condition d’être encadrée par des institutions solides, une surveillance internationale et une volonté sincère de réformer les forces armées locales — alors un nouveau cadre de coopération pourrait émerger.
La paix par les affaires — une utopie dangereuse ou une realpolitik nécessaire ?
Et si la paix, dans l’une des régions les plus instables du monde, ne se gagnait plus par des traités de Genève, mais autour d’une table d’affaires à Washington ? Et si la stabilité devenait un produit négocié, avec des minerais comme monnaie d’échange, des parcs naturels comme gage écologique, et des populations civiles comme simples variables d’ajustement ?
Le pari américain, incarné par Donald Trump, n’est pas simplement une initiative de paix — c’est une tentative de reconfigurer la géopolitique des Grands Lacs par l’économie. Mais peut-on vraiment pacifier une région sans mémoire, sans justice, sans réconciliation ? Peut-on effacer trois décennies de massacres, de viols, de déplacements massifs, par la seule magie des investissements étrangers ?
L’Afrique des Grands Lacs n’a pas besoin d’un autre plan Marshall improvisé. Elle a besoin d’un contrat social profond, enraciné dans la souveraineté populaire, la transparence régionale et la responsabilité historique. Tant que les voix des victimes seront absentes de la table des négociateurs, la paix ne sera qu’un mirage pour les uns — et un piège pour les autres.
Car derrière chaque gisement de cobalt se cache une fosse commune. Et derrière chaque accord de paix sans justice, se prépare la prochaine guerre. La véritable question n’est donc pas : Trump peut-il apporter la paix ? Mais plutôt : À qui profitera-t-elle vraiment ?
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