Dialogue Inter-Congolais : un manuel de paix oublié que la RDC ferait bien de relire

Alors que la République démocratique du Congo vacille à nouveau sous les coups d’une guerre à l’Est, il est temps de relire les leçons du passé. Vingt ans après le Dialogue Inter-Congolais de Sun City, les mêmes questions restent sans réponse.
Une guerre qui n’a jamais vraiment cessé
Plus d’un million de déplacés. Des milliers de morts. Des hôpitaux débordés. Des zones entières sous contrôle rebelle. À l’Est du Congo, le même scénario tragique se répète. Le mouvement M23, que Kinshasa accuse d’être soutenu par le Rwanda, ne cesse d’avancer. Avec l’Alliance Fleuve Congo (AFC), ses ambitions sont désormais politiques et territoriales.
Si la situation continue de dégénérer, les provinces du Tshopo et de la Tshopo pourraient tomber à leur tour. À ce rythme, c’est une zone grande comme l’Allemagne qui échapperait au contrôle de l’État. Dans le même temps, l’armée ougandaise est redéployée dans le pays, officiellement contre les ADF et CODECO, mais dans une ambiance d’ambiguïté stratégique, tant les alliances régionales restent troubles.
Un précédent : Sun City, Afrique du Sud, 2002
Face à ce chaos, un regard vers le passé s’impose. Car le Congo a déjà connu une guerre similaire, voire plus meurtrière encore : la Deuxième Guerre du Congo, entre 1998 et 2003. À l’époque, ce sont neuf armées africaines qui s’affrontaient sur le sol congolais.
C’est dans ce contexte qu’a émergé le Dialogue Inter-Congolais, un processus inédit, négocié à Sun City en Afrique du Sud. Autour de la table : le gouvernement, les rebelles, l’opposition politique, la société civile et les « forces vives » du pays. Une première.
De cet accord naîtront une transition politique, une nouvelle Constitution, et les premières élections démocratiques depuis 1960. L’initiative avait été soutenue par des figures africaines fortes, comme Thabo Mbeki et Ketumile Masire. La RDC avait alors choisi de parler plutôt que de tirer.
Pourquoi ça a (partiellement) fonctionné
Le succès relatif du Dialogue Inter-Congolais reposait sur trois piliers essentiels :
- Une forte pression internationale et régionale, avec une médiation soutenue par la SADC, l’OUA, l’Afrique du Sud et les Nations unies.
- Une représentativité large incluant la société civile, les chefs religieux, les femmes, les jeunes et les forces politiques non militaires.
- Un agenda clair, incluant les réformes de l’armée, la gestion des ressources naturelles, la citoyenneté, la justice transitionnelle et la décentralisation.
Pendant quelques années, le Congo a cru à une nouvelle ère. Le parlement a fonctionné. Des ministres ont été sanctionnés. La société civile avait voix au chapitre.
Pourquoi ça n’a pas suffi
Mais très vite, la classe politique a repris ses mauvaises habitudes. Le pouvoir exécutif a étouffé les contre-pouvoirs. Les institutions prévues par l’accord – comme une Cour spéciale pour les crimes de guerre – n’ont jamais vu le jour. La réforme de l’armée a été bâclée. Le recensement national promis n’a jamais eu lieu.
Pire : la question explosive de la nationalité des Congolais d’origine rwandaise et burundaise, jamais tranchée, est restée un instrument politique. Elle alimente encore aujourd’hui le recrutement des groupes armés et les discours de haine.
Ce que la RDC peut encore apprendre
Le dialogue de Sun City n’a pas tout réglé. Mais il a montré que l’inclusivité, la pression extérieure, et des garanties solides peuvent faire taire les armes.
Dans le contexte actuel, un nouveau dialogue national devrait s’appuyer sur ces mêmes bases, tout en tirant les leçons de l’échec partiel du précédent :
- Inclure la société civile réelle, pas celle cooptée par les partis politiques.
- Assurer un suivi indépendant des engagements pris.
- Mobiliser les pays voisins pour garantir leur non-ingérence, sous pression de l’Union africaine et des Nations unies.
- Donner une place aux diasporas et communautés transfrontalières, souvent exclues des discussions.
Dialogue 2.0 : mode d’emploi
Il ne s’agit pas de refaire Sun City à l’identique. Le contexte a changé, la fragmentation est plus profonde, la méfiance plus forte. Mais l’esprit du Dialogue Inter-Congolais reste un guide précieux : écouter tous les Congolais, créer un cadre structurant, internationaliser les garanties.
Sans cela, les armes continueront de parler. Et les Congolais continueront de fuir.
Parler avant qu’il ne soit trop tard
Le Congo ne manque ni de textes, ni de résolutions, ni de diplomates bien intentionnés. Il manque de volonté politique. Celle de dire : plus jamais ça. Plus jamais des millions de morts oubliés. Plus jamais une paix signée sans être respectée.
Le Dialogue Inter-Congolais nous a montré que le Congo peut se parler à lui-même. Il est temps de recommencer.
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