RDC-Rwanda : La « Déclaration de Washington » signe-t-elle vraiment la fin d’une ère d’instabilité orchestrée ?

Par Congo Heritage –
Le 25 avril 2025 à Washington, sous l’œil attentif du Département d’État américain, la République Démocratique du Congo (RDC) et la République du Rwanda ont signé une Déclaration de Principes censée ouvrir une « voie vers la paix, la stabilité et le développement économique intégré » dans la région tumultueuse de l’Est congolais.
Une scène forte, en apparence. Deux ennemis historiques, réunis sous la houlette de Washington, pour enterrer des décennies d’hostilités. Mais à bien y regarder, ce moment solennel soulève plus de doutes que d’espoirs.
Pour comprendre la portée – et les limites – de cet accord, il faut remonter trente ans en arrière.
L’instabilité de l’Est congolais n’est pas un accident de l’histoire : elle est l’enfant du génocide rwandais de 1994, de la chute de Mobutu Sese Seko, et d’une reconfiguration géopolitique post-Guerre froide.
Mobutu, longtemps pilier de la stratégie américaine pour contenir l’influence soviétique en Afrique, fut brutalement lâché par ses alliés une fois le mur de Berlin tombé. Washington n’avait plus besoin de ce « roi léopard » ; son règne pouvait s’effondrer.
C’est ainsi qu’en 1996, sous le paravent d’une « rébellion congolaise », le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi — avec la bénédiction tacite des États-Unis — invasèrent le Zaïre, scellant la chute du maréchal.
Depuis lors, l’Est du Congo est devenu un théâtre permanent de violences, d’occupations économiques illégales et de massacres, auxquels la communauté internationale a trop souvent choisi de fermer les yeux.
La signature à Washington n’efface pas cette mémoire collective.
La Déclaration, en six axes, promet monts et merveilles :
- Respect mutuel de la souveraineté
- Cessation de tout soutien aux groupes armés
- Coopération sécuritaire
- Intégration économique régionale
- Retour sécurisé des réfugiés et déplacés
- Vers un Accord de Paix formel sous l’égide des États-Unis
Mais l’Histoire nous enseigne la prudence.
Le texte est truffé de bonnes intentions… sans mécanismes clairs de vérification ni sanctions en cas de non-respect.
Et surtout :
? Qui garantira réellement que le Rwanda cessera de soutenir les groupes armés comme le M23, accusé encore récemment par l’ONU de perpétrer des atrocités dans le Nord-Kivu ?
? Qui vérifiera l’arrêt des exploitations illégales de coltan, d’or et d’autres ressources stratégiques congolaises ?
? Pourquoi la RDC semble-t-elle sans cesse contrainte de négocier sous la surveillance d’une puissance étrangère, plutôt que dans un cadre véritablement africain ?
Le fantôme du « pacte d’amis » entre Washington et Kigali plane lourdement sur cette Déclaration.
Le Congo n’est pas un cas isolé. L’Histoire récente regorge d’exemples où la chute de dictateurs, souvent impulsée ou encouragée par l’Occident, a engendré le chaos :
- Saddam Hussein : La fin du régime en Irak a ouvert la voie aux guerres civiles et à Daech.
- Muammar Kadhafi : La Libye, hier prospère, est aujourd’hui morcelée entre milices.
- Mobutu : Sa disparition a plongé le Congo dans l’abîme des guerres de pillage.
À chaque fois, une même constante : les interventions américaines créent un vide de pouvoir dans lequel s’engouffrent conflits, trafics et crises humanitaires.
Est-ce le sort que cette Déclaration veut conjurer ? Ou n’est-ce qu’un nouvel habillage d’une vieille dynamique ?
Rwanda et Ouganda : Fin de la déstabilisation ou simple pause stratégique ?
L’un des paris implicites de cette Déclaration est d’imaginer que, désormais, le Rwanda et l’Ouganda joueront le jeu de la stabilité régionale.
Mais les sceptiques restent nombreux.
L’histoire des accords précédents — de Lusaka (1999) à Pretoria (2002) — enseigne que les signatures n’ont jamais empêché les ingérences, les occupations ou les pillages.
Tant que les ressources de l’Est congolais représenteront un enjeu géopolitique majeur, tant que l’impunité règnera, et tant que certains parrains extérieurs privilégieront l’ordre économique sur la justice historique, la paix restera fragile.
La vraie question est donc :
? Cette Déclaration est-elle un tournant sincère vers la paix ?
? Ou bien un nouvel épisode d’une longue série d’illusions diplomatiques ?
Conclusion : Espérer sans naïveté
La signature du 25 avril 2025 est un signal diplomatique fort. Mais elle ne peut faire oublier que la paix ne naît pas seulement de documents officiels : elle exige vérité, réparation et souveraineté effective.
Le peuple congolais mérite mieux qu’une simple promesse écrite sous le regard bienveillant de ceux qui, hier encore, toléraient sa souffrance.
Comme l’écrivait l’historien Howard Zinn :
« On ne peut pas être neutre dans un train en marche. »
Il est temps que les grandes puissances choisissent non plus leur confort géopolitique, mais la justice historique.
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