La Biographie d’Étienne Tshisekedi
Biographie d'Étienne Tshisekedi wa Mulumba : Une perspective congolaise.
La Biographie d'Étienne Tshisekedi wa Mulumba : Une perspective congolaise
Introduction#
Étienne Tshisekedi wa Mulumba (14 décembre 1932 – 1er février 2017) est l’une des figures les plus emblématiques de la politique congolaise. Leader incontesté de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), il a incarné la lutte pour la démocratie au Congo pendant plusieurs décennies. Bien qu’il ait occupé des fonctions importantes sous le régime de Mobutu Sese Seko, il est surtout connu pour son opposition farouche à ce même régime, et plus tard, à celui de Joseph Kabila. Au cours de sa carrière, Tshisekedi a été Premier ministre du Zaïre à trois reprises, en 1991, 1992-1993 et 1997, et a mené une bataille acharnée pour le pouvoir jusqu’à sa mort.
Contexte historique et jeunesse#
Étienne Tshisekedi naît le 14 décembre 1932 à Luluabourg (aujourd’hui Kananga) dans l’actuelle province du Kasaï Central, alors Congo belge. Fils d’Alexis Mulumba et d’Agnès Kabena, il appartient à l’ethnie Luba, une des grandes tribus du centre du Congo (Nzongola-Ntalaja, 2002). Il fait ses études primaires à Kabaluanda avant de poursuivre des études de droit à l’Université Lovanium de Léopoldville, où il obtient un doctorat en 1961, devenant ainsi le premier Congolais à atteindre ce niveau académique dans ce domaine (Nzongola-Ntalaja, 2002). Le Congo venait tout juste d’accéder à l’indépendance en 1960, plongeant le pays dans une période d’instabilité politique, marquée par la sécession de plusieurs provinces, dont celle du Kasaï.
Date de naissance | Lieu de naissance | Parents | Éducation |
---|---|---|---|
14 décembre 1932 | Luluabourg, Congo | Alexis Mulumba, Agnès Kabena | Doctorat en droit, Université de Lovanium |
Carrière politique sous Mobutu : De l’intérieur à l’opposition#
Tshisekedi commence sa carrière politique sous le gouvernement de Patrice Lumumba, mais c’est sous le régime de Mobutu qu’il joue un rôle de premier plan. En 1965, après le deuxième coup d’État de Mobutu, Tshisekedi est nommé ministre et participe activement à l’élaboration de la constitution de 1967, qui fait du Zaïre un État à parti unique dirigé par le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). Cependant, les relations entre Mobutu et Tshisekedi se détériorent dans les années 1980, lorsque ce dernier critique ouvertement la dictature et fonde l’UDPS en 1982, le premier parti d’opposition dans l’histoire du pays (Dunn, 2002).
Tshisekedi est emprisonné à plusieurs reprises pour ses critiques à l’égard du régime, mais cela ne fait qu’accroître sa popularité, notamment dans les provinces du Kasaï et à Kinshasa. Mobutu tente à plusieurs reprises de corrompre Tshisekedi en lui proposant de l’argent et des postes ministériels, mais ce dernier refuse, gagnant ainsi la réputation d’un homme intègre et incorruptible (Young & Turner, 1985).
Lutte pour la démocratie : Les années 1990#
Avec la fin de la guerre froide et la pression croissante des puissances occidentales, Mobutu est contraint d’ouvrir le pays au multipartisme dans les années 1990. Tshisekedi devient Premier ministre à trois reprises durant cette période, mais ses mandats sont de courte durée, car Mobutu continue de manipuler les institutions pour maintenir son pouvoir. Le premier mandat de Tshisekedi, en septembre 1991, ne dure qu’un mois, et son second, de 1992 à 1993, est marqué par des conflits avec Mobutu, qui l’empêchent de gouverner efficacement (Nzongola-Ntalaja, 2002).
Dates | Postes occupés | Durée du mandat |
---|---|---|
Septembre 1991 | Premier ministre | 1 mois |
1992-1993 | Premier ministre | 7 mois |
Avril 1997 | Premier ministre | 1 semaine |
Le troisième mandat de Tshisekedi intervient en 1997, alors que les forces rebelles de Laurent-Désiré Kabila marchent sur Kinshasa. Ce mandat ne dure qu’une semaine, car Mobutu est finalement renversé en mai 1997, après 32 ans de règne.
Opposition à Joseph Kabila et les élections de 2011#
Après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila en 2001, Tshisekedi refuse d’intégrer le gouvernement de transition dirigé par Joseph Kabila, qu’il accuse de perpétuer le régime dictatorial de son père. En 2006, Tshisekedi et l’UDPS boycottent les élections, qu’ils jugent frauduleuses. Cependant, il décide de participer aux élections présidentielles de 2011, malgré un climat politique tendu (Carter Center, 2012).
Les élections de 2011 sont marquées par de graves irrégularités et une absence de transparence, selon des observateurs internationaux tels que le Carter Center et l’Union européenne (Carter Center, 2012). Tshisekedi, officiellement battu par Kabila, rejette les résultats et se proclame « président élu ». Cela conduit à une série de confrontations avec le gouvernement, notamment son placement en résidence surveillée à Kinshasa.
La fin d’une époque : Mort et héritage#
Après des années de lutte pour la démocratie, Tshisekedi quitte la République démocratique du Congo en janvier 2017 pour se faire soigner en Belgique. Il décède à Bruxelles le 1er février 2017, laissant derrière lui un héritage politique colossal et une nation encore en quête de stabilité démocratique. Son fils, Félix Tshisekedi, accède à la présidence en 2019, marquant une nouvelle ère pour l’UDPS et pour la République démocratique du Congo (Nlandu, 2020).
Avis des congolais:#
La personnalité et l’héritage d’Étienne Tshisekedi wa Mulumba sont au cœur d’un débat houleux qui divise encore aujourd’hui l’opinion publique congolaise. Pour certains, il incarne un symbole incontestable de la lutte pour la démocratie, tandis que pour d’autres, son parcours politique est entaché de contradictions et d’ambiguïtés. Ce clivage reflète non seulement la complexité de l’histoire politique de la République Démocratique du Congo (RDC), mais aussi l’impact durable que Tshisekedi a eu sur le pays.
L’allié de Mobutu : Un passé controversé
L’un des points les plus contestés par les critiques de Tshisekedi concerne son rôle dans le régime de Mobutu Sese Seko, qu’il a servi pendant plus d’une décennie avant de se retourner contre lui. Durant cette période, Tshisekedi a occupé plusieurs postes ministériels et participé à la consolidation du pouvoir dictatorial de Mobutu. Pour ses détracteurs, cela fait de lui un collaborateur direct de la répression et de la marginalisation de figures politiques comme Patrice Lumumba, Pierre Mulele, et Evariste Kimba.
En effet, Tshisekedi a été impliqué dans des moments clés de l’histoire politique congolaise, notamment lors du coup d’État de Mobutu en 1965, qui a conduit à l’exécution de Kimba et de ses compagnons en 1966. Selon certains historiens, Tshisekedi aurait approuvé cette décision, ce qui soulève des questions sur son engagement en faveur de la justice dès le début de sa carrière (Nzongola-Ntalaja, 2002). De plus, son silence face aux violences politiques, telles que la répression de la rébellion menée par Pierre Mulele, reste un point sombre dans son parcours.
Les critiques soutiennent que Tshisekedi ne s’est distancié de Mobutu qu’au début des années 1980, lorsque les tensions au sein du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) se sont intensifiées et que l’opposition à Mobutu devenait une force incontournable dans le pays. Ce changement de camp est perçu par certains comme opportuniste, alimentant l’idée que Tshisekedi n’était pas toujours un défenseur des principes démocratiques, mais plutôt un homme politique pragmatique.
Le père de la démocratie congolaise : Une lutte pour le multipartisme
D’un autre côté, les partisans de Tshisekedi soulignent qu’il a été le premier à fonder un véritable parti d’opposition en RDC, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), en 1982. Dans un contexte où la dictature de Mobutu contrôlait fermement la vie politique congolaise, la création de l’UDPS a été perçue comme un acte de courage immense. Pour ses partisans, c’est à ce moment-là que Tshisekedi a véritablement pris position pour la démocratie et les droits civiques.
Ils soutiennent également que Tshisekedi a joué un rôle central dans l’émergence du multipartisme au début des années 1990, en mettant une pression constante sur le régime de Mobutu pour qu’il accepte des réformes politiques. Sous la pression internationale et les soulèvements internes, Mobutu a été contraint d’autoriser la tenue d’une Conférence Nationale Souveraine, dans laquelle Tshisekedi a été une figure de proue. Cet événement a marqué un tournant dans la lutte pour la démocratie au Congo, renforçant la stature de Tshisekedi comme l’un des principaux acteurs de la transition vers le multipartisme (Dunn, 2002).
Les partisans de Tshisekedi arguent que ses emprisonnements répétés sous Mobutu, ses refus des offres de corruption, et son engagement constant pour un changement pacifique témoignent de sa sincérité dans la lutte pour la liberté du peuple congolais. Ils considèrent que Tshisekedi a sacrifié sa propre sécurité et ses privilèges politiques pour défendre les droits des Congolais ordinaires.
Perspectives sur Tshisekedi | Arguments |
---|---|
Critiques | Collaboration avec Mobutu, opportunisme |
Supporters | Père du multipartisme, lutte contre la dictature |
Un héritage politique en débat
L’héritage de Tshisekedi est également débattu sur la question des résultats de son engagement. Bien qu’il ait été l’une des figures les plus importantes de l’opposition congolaise, Tshisekedi n’a jamais réussi à prendre le pouvoir, malgré plusieurs tentatives, notamment lors des élections présidentielles de 2011. Ses détracteurs estiment que son intransigeance et son refus de négocier avec d’autres leaders de l’opposition ont contribué à la division de cette dernière, permettant ainsi à des régimes autoritaires de perdurer au pouvoir.
Cependant, ses partisans affirment que c’est précisément cette fermeté qui a permis à Tshisekedi de maintenir une base solide de soutien populaire. En effet, l’UDPS est restée un acteur politique clé même après la mort de son fondateur en 2017. Le succès de son fils, Félix Tshisekedi, qui accède à la présidence en 2019, est souvent perçu comme l’aboutissement du combat de son père, même si la transition de pouvoir a été marquée par des compromis avec le régime sortant de Joseph Kabila (Nlandu, 2020).
Le poids des perceptions
Finalement, l’opinion publique congolaise reste profondément divisée sur la personnalité et l’héritage de Tshisekedi. Pour ses partisans, il est le héros incontesté de la démocratie, celui qui a consacré sa vie à la lutte contre la dictature et à la défense des droits du peuple congolais. Pour ses critiques, il est une figure complexe, avec un passé entaché par son soutien à Mobutu et un manque de résultats tangibles en matière de changement politique.
Cette dualité reflète les défis auxquels le Congo est confronté dans sa quête de démocratie. La figure de Tshisekedi, avec ses zones d’ombre et de lumière, incarne à la fois les espoirs et les frustrations d’un peuple qui continue de lutter pour un avenir meilleur. Comme l’a écrit Nzongola-Ntalaja, « Tshisekedi symbolise à la fois les promesses et les échecs de la transition démocratique en République Démocratique du Congo » (Nzongola-Ntalaja, 2002).
Références:#
- Carter Center. (2012). Final Report: Presidential and Legislative Elections in the Democratic Republic of Congo 2011. https://www.cartercenter.org/resources/pdfs/news/peace_publications/election_reports/drc-2011-finalrpt.pdf
- Dunn, K. (2002). Imagining the Congo: The International Relations of Identity. Palgrave Macmillan.
- Nlandu, P. (2020). Étienne Tshisekedi et la lutte pour la démocratie en République Démocratique du Congo. Kinshasa: Editions du Seuil.
- Nzongola-Ntalaja, G. (2002). The Congo: From Leopold to Kabila: A People’s History. Zed Books.
- Young, C., & Turner, T. (1985). The Rise and Decline of the Zairian State. University of Wisconsin Press.
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