ONUC: La Première Mission des Nations Unies au Congo (1961)
En réponse à la demande d’aide du gouvernement congolais pour stabiliser le pays, l'Organisation des Nations Unies lança l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC) en juillet 1960.
La Première Mission des Nations Unies au Congo (1961) et la Sécession du Katanga : Un Héritage de Conflits et d'Instabilité
Introduction#
L’assassinat de Patrice Lumumba en 1961 et la sécession subséquente du Katanga marquèrent une période tumultueuse dans l’histoire de la République Démocratique du Congo (alors connue sous le nom de République du Congo ou Congo-Léopoldville). Cet épisode vit l’intervention des Nations Unies dans l’un de ses engagements de maintien de la paix les plus significatifs et les plus complexes de ses premières années, l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC).
Cette mission visait initialement à maintenir la paix et l’ordre dans un Congo fragile post-indépendance. Cependant, l’intervention des Nations Unies s’enlisa rapidement dans des conflits internes, des luttes de pouvoir politiques, et les tensions de la Guerre froide, menant finalement à la mort du Secrétaire général des Nations Unies, Dag Hammarskjöld, dans un crash d’avion à Ndola, en Zambie. Cet article explore la complexité de la mission de l’ONU au Congo durant la sécession du Katanga, les implications de la guerre dans le contexte congolais, ainsi que la manière dont cette période a laissé un héritage durable d’instabilité dans le pays, qui, aujourd’hui en 2024, continue de faire face à de nombreux défis.
Tableau 1: Principaux Événements de la Crise Congolaise (1960-1963)#
Année | Événement | Implication |
---|---|---|
1960 | Indépendance du Congo | Le Congo devient indépendant de la Belgique le 30 juin 1960. |
1960 | Sécession du Katanga | Moïse Tshombe déclare la sécession de la province du Katanga. |
1961 | Assassinat de Patrice Lumumba | Lumumba est assassiné en janvier 1961, provoquant une crise politique. |
1961 | ONUC intensifie son intervention | L’ONU tente de maintenir l’intégrité territoriale du Congo. |
1961 | Mort de Dag Hammarskjöld | Le Secrétaire général de l’ONU meurt dans un crash d’avion à Ndola. |
1963 | Réintégration du Katanga | Fin de la sécession katangaise après des opérations militaires de l’ONU. |
L’assassinat de Lumumba et la sécession du Katanga#
Patrice Lumumba, premier Premier ministre du Congo, est une figure centrale dans la lutte pour l’indépendance du Congo vis-à-vis de la Belgique. Cependant, son mandat fut marqué par une instabilité politique presque immédiate. À peine quelques semaines après l’indépendance en juin 1960, le pays sombra dans le chaos politique et militaire. Des leaders régionaux comme Moïse Tshombe saisirent l’occasion pour déclarer l’indépendance de la province minière du Katanga. Cette région, particulièrement riche en ressources naturelles, notamment en cuivre et en uranium, était convoitée par de nombreux intérêts, notamment belges, qui voyaient dans la sécession une opportunité de préserver leur contrôle économique sur les richesses minières du Congo.
Lumumba, dont les vues anti-colonialistes et pro-soviétiques irritaient les puissances occidentales, fut rapidement isolé politiquement. En septembre 1960, il fut démis de ses fonctions par le président Joseph Kasavubu, et en décembre de la même année, il fut arrêté par les forces du colonel Joseph Mobutu (futur Mobutu Sese Seko). Livré aux autorités du Katanga, Lumumba fut brutalement exécuté le 17 janvier 1961. Son assassinat, orchestré avec la complicité de forces belges et de sécessionnistes katangais, choqua le monde entier et exacerbait les tensions au Congo.
Répercussions internes et internationales#
La sécession du Katanga, avec ses ramifications politiques et économiques, ne fut pas seulement un défi pour la jeune nation congolaise mais également pour les relations internationales en pleine Guerre froide. Le soutien économique et militaire belge à Tshombe n’était pas simplement motivé par des considérations locales. Le Katanga représentait un enjeu stratégique, étant un réservoir de ressources minérales essentielles pour l’industrie et la défense occidentales. En particulier, l’uranium katangais avait alimenté le projet Manhattan pendant la Seconde Guerre mondiale, augmentant ainsi l’intérêt des grandes puissances.
L’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC)#
En réponse à la demande d’aide du gouvernement congolais pour stabiliser le pays, l’Organisation des Nations Unies lança l’Opération des Nations Unies au Congo (ONUC) en juillet 1960. À l’origine, la mission de l’ONU se limitait à soutenir l’indépendance du pays, à rétablir l’ordre public, et à aider au retrait des troupes belges encore présentes. Cependant, la complexité croissante de la situation sur le terrain força l’ONU à élargir son mandat. L’ONUC se trouva bientôt en pleine confrontation avec les forces sécessionnistes katangaises, financées et soutenues par la Belgique et des mercenaires étrangers.
Dag Hammarskjöld, le Secrétaire général des Nations Unies, joua un rôle crucial dans la gestion de cette crise. Diplomate chevronné, Hammarskjöld cherchait à maintenir l’intégrité territoriale du Congo tout en négociant une solution pacifique avec les factions en conflit. Sous sa direction, l’ONUC adopta une approche plus agressive en lançant des opérations militaires contre les forces katangaises en 1961, une décision controversée qui attira des critiques tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Congo.
Le soutien international à l’ONUC#
L’intervention de l’ONU au Congo mit en lumière les tensions internationales, notamment dans le cadre de la Guerre froide. D’un côté, l’Union soviétique voyait en Lumumba un allié dans la lutte contre l’impérialisme occidental et dénonça vigoureusement son assassinat. De l’autre, les États-Unis et la Belgique, bien que critiquant l’ingérence soviétique, soutinrent tacitement les forces favorables à Tshombe pour des raisons économiques et géopolitiques.
La mort de Dag Hammarskjöld et ses conséquences#
Le 18 septembre 1961, l’avion transportant Dag Hammarskjöld s’écrasa à Ndola, en Zambie, alors qu’il se rendait à des pourparlers de paix avec Moïse Tshombe. La mort de Hammarskjöld fut une tragédie pour l’ONU, et les circonstances de l’accident sont encore débattues aujourd’hui. Certains ont évoqué la possibilité d’un sabotage, compte tenu de l’opposition de nombreux intérêts économiques et politiques à l’intervention de l’ONU au Katanga. Cependant, les enquêtes n’ont jamais apporté de conclusion définitive, laissant planer un mystère sur cet événement majeur.
La disparition de Hammarskjöld ralentit les efforts diplomatiques de l’ONU pour résoudre la crise congolaise. Pourtant, l’ONUC poursuivit ses opérations militaires contre les forces de Tshombe, conduisant à la fin de la sécession katangaise en 1963. Cette période mit en lumière les limites des opérations de maintien de la paix lorsque des intérêts économiques et géopolitiques puissants sont en jeu.
Guerre et implications dans le contexte congolais#
La guerre autour de la sécession du Katanga et les luttes politiques internes au Congo ont laissé des cicatrices profondes dans le pays. D’un point de vue congolais, ces conflits n’étaient pas seulement des batailles pour le pouvoir politique, mais aussi pour la souveraineté nationale et le contrôle des ressources naturelles du pays. La guerre civile au Congo était largement alimentée par des puissances extérieures, notamment la Belgique, les États-Unis et l’Union soviétique, qui utilisaient le Congo comme un champ de bataille pour leurs propres intérêts pendant la Guerre froide.
La destruction causée par la guerre et les sécessions eut des conséquences dévastatrices sur l’économie congolaise et sur son tissu social. Le manque d’infrastructures, la corruption et les divisions ethniques contribuaient à la fragilité du pays. Les retombées de cette instabilité sont encore visibles aujourd’hui, avec une République Démocratique du Congo toujours plongée dans des conflits armés, notamment dans l’est du pays, où des groupes rebelles continuent de déstabiliser les régions riches en ressources minières.
L’instabilité persistante du Congo : 1961-2024#
Malgré la réintégration du Katanga en 1963, le Congo a rarement connu la paix et la stabilité. Après la dictature de Mobutu (1965-1997), le pays s’est enfoncé dans une série de guerres civiles, parfois appelées « La Première Guerre Mondiale Africaine », impliquant de nombreux pays voisins et coûtant la vie à des millions de personnes. Les tensions ethniques, les luttes pour le contrôle des ressources et la corruption continuent de paralyser la croissance et la stabilité du pays.
En 2024, le Congo est encore le théâtre de violences, particulièrement dans ses provinces orientales. Les conflits armés, exacerbés par les intérêts économiques liés aux ressources naturelles comme l’or, le coltan et les diamants, continuent de déchirer le pays. Le passé colonial, les interventions étrangères, et la mauvaise gouvernance ont contribué à un cycle d’instabilité difficile à briser.
Tableau 2: Groupes rebelles actifs dans l’est du Congo en 2024#
Groupe Rebelle | Région d’activité | Objectif principal |
---|---|---|
M23 | Nord-Kivu | Contrôle territorial et exploitation minière |
Forces démocratiques alliées (ADF) | Nord-Kivu et Ituri | Insurrection islamiste |
Maï-Maï | Sud-Kivu, Tanganyika | Résistance locale contre les forces étrangères |
Conclusion et lectures suggérées#
La première mission de l’ONU au Congo, durant la sécession du Katanga, fut un moment clé dans l’histoire du maintien de la paix et des interventions internationales. Bien que l’objectif initial était de stabiliser le Congo, l’ONUC fut confrontée à la réalité des intérêts économiques et politiques qui rendaient impossible une solution simple et rapide. La mort de Lumumba et de Hammarskjöld, ainsi que l’instabilité politique durable du Congo, témoignent de la complexité des crises post-coloniales africaines. Pour approfondir ce sujet, voici quelques suggestions de lectures :
- Nzongola-Ntalaja, G. (2002). The Congo: From Leopold to Kabila: A People’s History. Zed Books.
- Kalb, M. (2013). The Congo Cables: The Cold War in Africa—From Eisenhower to Kennedy. University of California Press.
- O’Malley, A. (2018). The Diplomacy of Decolonization: America, Britain and the United Nations during the Congo Crisis 1960-1964. Manchester University Press.
- Kent, J. (2017). The United Nations and the Congo Crisis of 1960-1964. Cambridge University Press.
Références#
Kalb, M. (2013). The Congo cables: The Cold War in Africa—From Eisenhower to Kennedy. University of California Press.
Kent, J. (2017). The United Nations and the Congo Crisis of 1960-1964. Cambridge University Press.
Nzongola-Ntalaja, G. (2002). The Congo: From Leopold to Kabila: A People’s History. Zed Books.
O’Malley, A. (2018). The Diplomacy of Decolonization: America, Britain and the United Nations during the Congo Crisis 1960-1964. Manchester University Press.
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