Transition démocratique au Zaire:1990-2003
Transition démocratique au Zaire: Les années 1990 marquent un tournant décisif dans l'histoire du Zaïre.
- Introduction:
- <strong>I. Principes généraux d'orientation</strong>
- <strong>II. Partage équitable et équilibré du pouvoir</strong>
- <strong>III. Relations entre le Chef du Gouvernement, le Chef de l'État et les familles politiques</strong>
- <strong>La Transition Démocratique au Zaïre (1990-1994) : Analyse à Travers le Prisme du Choix Rationnel et de la Psychologie Politique</strong>
- <strong>I. Contexte Historique de la Transition Démocratique</strong>
- 1. Le Discours du 24 avril 1990 : Un Tournant Historique
- 2. La Conférence Nationale Souveraine (CNS) : Espoirs et Désillusions
- 3. Les Premiers Ministres de la Transition : Une Instabilité Chronique
- <strong>II. Théorie du Choix Rationnel et Décisions Politiques de Mobutu</strong>
- 1. Comprendre la Théorie du Choix Rationnel
- 2. Les Choix de Mobutu : Rationalité et Biais Cognitifs
- 3. Biais Cognitifs et Perception du Pouvoir
- <strong>III. Contextualisation : Facteurs Sociaux et Culturels</strong>
- 1. Divisions ethniques et Régionales
- 2. Rôle de la Société Civile et des Églises
- 3. Influence des Traditions Politiques
- <strong>IV. Comparaisons Internationales : Entre Gorbatchev et Mandela</strong>
- 1. Mobutu et Gorbatchev : Des Réformes aux Conséquences Inattendues
- 2. Nelson Mandela : Une Transition Réussie
- <strong>V. Conséquences Humanitaires et Sociales de la Transition</strong>
- 1. Impact sur la Population
- 2. Conflits Armés et Crise Humanitaire
- 3. Témoignages et Perceptions Citoyennes
- <strong>VI. Leçons Tirées et Perspectives Actuelles</strong>
- 1. Limites du Contrôle Autoritaire
- 2. Importance d'une Transition Inclusive
- 3. Rôle de la Psychologie Politique
- 4. Pertinence pour les Transitions Démocratiques Actuelles
- <strong>Conclusion</strong>
- Références
Transition démocratique, 1990-2003
Introduction:#
Les années 1990 marquent un tournant décisif dans l’histoire du Zaïre, alors sous le joug de la dictature de Mobutu Sese Seko depuis plus de deux décennies. C’est une période de bouleversements politiques intenses, où l’espoir d’une transition démocratique anime le peuple zaïrois.
Principaux Actes constitutifs de la période :
- Acte constitutif n°91-097 du 11 avril 1991 : Création et composition de la Conférence nationale.
- Acte fondamental du 5 mai 1992 : Proclamation de la souveraineté de la Conférence nationale.
- Acte constitutif du 31 juillet 1992 : Adoption du Compromis politique global de la transition.
- Acte constitutif du 16 juin 1994 : Arrangement particulier relatif au partage équitable et équilibré du pouvoir pendant la période de transition.
La fin de la IIe République et l’émergence de la contestation
La IIe République, instituée par la Constitution du 24 juin 1967 et modifiée en 1970 et 1974, avait instauré un régime de parti unique, consolidant ainsi le pouvoir absolu de Mobutu Sese Seko. Ce système autoritaire étouffe toute opposition et contrôle étroitement la vie politique du pays.
Cependant, à l’aube des années 1990, un vent de changement souffle sur le Zaïre. Inspirés par les mouvements démocratiques mondiaux et épuisés par des années de répression et de misère économique, les Zaïrois commencent à manifester leur mécontentement. Les rues de Kinshasa et d’autres villes vibrent au rythme des protestations, réclamant liberté et démocratie.
Le discours historique du 24 avril 1990
Soucieux de conserver son emprise sur le pouvoir face à la montée de la contestation, le président Mobutu prononce le 24 avril 1990 un discours resté célèbre. Dans une allocution empreinte d’émotion, il annonce l’instauration du multipartisme, déclarant : « Comprenez mon émotion ». Ce geste, bien que perçu par certains comme une manœuvre politique, ouvre officiellement la voie à une période de transition.
Sur le plan juridique, cette annonce se concrétise par la loi de révision constitutionnelle du 25 novembre 1990, qui met fin au monopole du parti unique et autorise la création de formations politiques indépendantes.
La Convocation de la Conférence nationale : espoir d’une nouvelle ère
Le 11 avril 1991, une étape cruciale est franchie avec la convocation de la Conférence nationale. Cette assemblée rassemble des représentants de tous les secteurs de la société : partis politiques, associations civiles, organisations religieuses, syndicats… Dès son ouverture, elle se proclame souveraine, affirmant ainsi sa suprématie sur les institutions existantes.
Le 5 mai 1992, la Conférence nationale adopte un Acte fondamental proclamant sa souveraineté. Puis, le 31 juillet 1992, elle adopte le Compromis politique global de la transition et un acte constitutionnel qui réduit considérablement les pouvoirs du président. Ce dernier acte retire à Mobutu l’essentiel de ses prérogatives, marquant une volonté claire de rompre avec l’ancien régime.
Le bras de fer institutionnel et l’imbroglio politique
Face à ces décisions, Mobutu refuse de céder. Il refuse de promulguer l’acte constitutionnel adopté par la Conférence nationale et oppose un autre texte, rédigé par l’Assemblée nationale qu’il avait pourtant dissoute. Cette situation crée un imbroglio institutionnel sans précédent, avec deux textes concurrents et une dualité de pouvoirs.
Pour tenter de sortir de cette impasse, un troisième Acte constitutionnel est promulgué le 9 avril 1994. Ce texte permet au président de récupérer d’importantes prérogatives, rééquilibrant ainsi le rapport de force. Parallèlement, un Arrangement particulier est conclu le 16 juin 1994 entre la présidence et l’opposition, visant à instaurer un partage équitable du pouvoir pendant la transition.
La persistance du chaos et la chute de Mobutu
Malgré ces tentatives de conciliation, la situation reste chaotique. Les institutions sont paralysées, les tensions politiques s’exacerbent, et le peuple zaïrois continue de souffrir des conséquences de cette instabilité.
Le dénouement intervient le 16 mai 1997. Les forces rebelles menées par Laurent-Désiré Kabila, soutenues par le Rwanda et l’Ouganda, progressent inexorablement vers Kinshasa. Face à cette avancée et isolé sur la scène internationale, Mobutu est contraint de fuir le pays. Sa fuite marque la fin d’un règne de 32 ans et l’effondrement du régime qu’il avait mis en place.
Kabila s’empare du pouvoir et proclame la République démocratique du Congo, tournant ainsi une nouvelle page de l’histoire nationale. Cependant, les défis restent immenses, et le pays devra encore affronter de nombreuses épreuves pour parvenir à une véritable démocratie.
Cette période de transition démocratique au Zaïre est riche en enseignements. Elle illustre les complexités du passage d’un régime autoritaire à une gouvernance démocratique, les luttes de pouvoir internes, et l’impact des influences étrangères. C’est une époque où l’espoir et la désillusion se côtoient, où chaque avancée semble immédiatement suivie d’un recul.
Pour le peuple zaïrois, devenu congolais, cette décennie est synonyme de sacrifices et de résilience. Elle rappelle que la quête de liberté et de justice est un chemin ardu, souvent semé d’embûches, mais que la détermination collective peut faire vaciller les plus solides des dictatures.
Le 11 avril 1991 marque un tournant décisif dans l’histoire politique du Zaïre. En cette date, le Président Mobutu Sese Seko promulgue l’Acte constitutif n° 91-097, établissant la création et la composition de la Conférence Nationale. Cet acte symbolise une ouverture vers la démocratisation et la réconciliation nationale, répondant aux aspirations profondes du peuple zaïrois en quête de changement.
Une ordonnance présidentielle pour la transition démocratique
Le Président de la République, fort de ses prérogatives constitutionnelles spécifiées aux articles 8, 36 et 45, et s’appuyant sur l’ordonnance n° 91-010 du 6 mars 1991 relative à la création et à la composition de la Conférence constitutionnelle, décrète des modifications majeures pour impulser une nouvelle dynamique politique.
Article unique : Modifications essentielles
Les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 10 de l’ordonnance n° 91-010 sont modifiés et complétés comme suit :
Article 1er : Naissance de la Conférence Nationale
Il est créé une Conférence Nationale.
Par cette simple déclaration, une institution inédite voit le jour, destinée à porter les espoirs d’un peuple en quête de démocratie et de justice. La création de la Conférence Nationale ouvre la voie à un dialogue inclusif sur l’avenir du pays.
Article 2 : Missions ambitieuses pour un nouvel élan
La Conférence Nationale est chargée de :
- Discuter de toutes les questions d’intérêt national en vue de démocratiser les options fondamentales de la Troisième République. Il s’agit d’un vaste chantier visant à refonder les bases politiques du Zaïre.
- Élaborer un projet de constitution à soumettre au référendum populaire, permettant ainsi au peuple de s’approprier les principes fondamentaux qui régiront la nation.
- Déterminer le contenu de la loi électorale et élaborer un calendrier électoral, étapes cruciales pour garantir des élections libres, transparentes et équitables.
La Conférence statue souverainement sur tous les points énumérés ci-dessus. Elle doit amener le peuple zaïrois à se réconcilier avec lui-même dans sa globalité et éviter qu’elle ne se transforme inutilement en un tribunal populaire ou en une cour de règlement des comptes.
Cet article souligne la portée historique de la Conférence Nationale, appelée à être le creuset d’une réconciliation nationale et d’une refondation démocratique, tout en évitant les écueils de la vengeance et de la division.
Article 3 : Une préparation minutieuse pour des assises réussies
La Conférence Nationale est précédée par une commission préparatoire chargée de l’organisation matérielle des assises ainsi que de l’élaboration des projets de règlement intérieur et d’ordre du jour à soumettre à l’approbation de l’Assemblée plénière.
Cette commission préparatoire est le garant d’une organisation efficace, veillant à ce que les débats se déroulent dans un cadre structuré et productif.
Article 4 : Une structure participative et inclusive
La Conférence Nationale comprend :
- Une Assemblée plénière : le cœur délibératif où se rassemblent tous les délégués pour discuter des grandes orientations.
- Des commissions : spécialisées par thématiques, elles permettent d’approfondir les discussions sur des sujets spécifiques.
Les commissions peuvent être subdivisées en sous-commissions, conformément aux dispositions du règlement intérieur.
Cette organisation en différentes instances favorise une participation active et une réflexion approfondie sur les divers enjeux nationaux.
Article 5 : Composition équilibrée pour une représentation optimale
L’Assemblée plénière est composée de membres effectifs et de membres suppléants. Les membres suppléants siègent mais ne prennent part aux débats et au vote que lorsque les membres effectifs sont absents ou empêchés.
Cette disposition assure une continuité dans les travaux et garantit que toutes les voix soient entendues, reflétant ainsi la diversité du peuple zaïrois.
Article 6 : Un bureau représentatif des forces vives de la nation
La Conférence Nationale élit son bureau, qui comprend :
- Un Président : figure de proue pour diriger les débats.
- Trois Vice-présidents représentant respectivement les partis politiques, les institutions publiques et les forces vives de la nation (société civile, organisations professionnelles, etc.).
- Un Rapporteur Général et un Rapporteur Général Adjoint : responsables de la synthèse des travaux.
- Un Premier et un Deuxième Secrétaires Rapporteurs : chargés de l’administration et de la communication.
Cette composition vise à intégrer toutes les composantes de la société, assurant ainsi une légitimité et une acceptation larges des décisions prises.
Article 7 : Vers la concrétisation des aspirations démocratiques
La Conférence Nationale est dissoute de plein droit dès le dépôt auprès du Président de la République du rapport final auquel est annexé un projet de Constitution de la République à soumettre au référendum populaire.
Les décisions de la Conférence contenues dans le rapport final sont exécutoires.
La Conférence Nationale élit en son sein un Comité de suivi chargé de s’assurer auprès du pouvoir de l’exécution des décisions de la Conférence.
Le Comité de suivi sera composé du bureau de la Conférence auquel seront adjoints, par élection, quelques autres membres.
Aussitôt après l’adoption de la Constitution par référendum, le Comité de suivi rédige un rapport à publier au Journal Officiel de la République du Zaïre.
Cet article établit une feuille de route claire pour la mise en œuvre des décisions, garantissant que les travaux de la Conférence aboutissent à des actions concrètes et à un réel changement institutionnel.
Une signature pour l’histoire
Fait à Gbadolite, le 11 avril 1991
MOBUTU SESE SEKO KUKU NGBENDU WA ZA BANGA
Maréchal
Cette ordonnance, plus qu’un simple texte juridique, est le reflet d’une volonté de transformation profonde du paysage politique zaïrois. Elle témoigne d’un moment où l’espoir d’une démocratie véritable semble à portée de main, porté par une Conférence Nationale aux ambitions élevées. C’est une invitation à la réconciliation, à la participation citoyenne et à la construction collective d’un avenir meilleur pour le Zaïre.
Cette période charnière est riche en enseignements sur les défis de la transition démocratique, les jeux de pouvoir et la quête incessante d’un peuple pour la liberté et la justice. La création de la Conférence Nationale reste un symbole fort de l’engagement du Zaïre sur le chemin de la démocratie, malgré les obstacles et les incertitudes qui jalonnent ce parcours.
Préambule
Nous, peuple zaïrois, réunis en cette historique Conférence Nationale ;
Constatant avec gravité la crise profonde, multiforme et persistante qui accable notre pays depuis de nombreuses années ;
Considérant l’appauvrissement alarmant de la population, la dégradation et l’inversion des valeurs morales et spirituelles, l’effondrement de notre monnaie nationale, et la domination de fléaux tels que l’arbitraire, la corruption, le népotisme et le tribalisme ;
Dénonçant la désintégration de notre système de santé, l’effondrement du système éducatif, la confiscation des libertés individuelles et collectives, le détournement systématique des biens publics, la spoliation des biens privés, l’incivisme et l’anarchie omniprésente ;
Convaincus de l’incapacité totale des institutions en place à apporter des solutions à cette situation tragique ;
Animés par une volonté inébranlable d’analyser sans complaisance les causes profondes de cet échec, afin de trouver, dans un esprit de dialogue et de réconciliation, des solutions efficaces pour relever ce défi et jeter les fondements d’un État de droit garantissant le développement intégral et harmonieux de la Nation ;
Considérant que la Conférence Nationale est une Assemblée du peuple, constituée de délégués des forces vives de la Nation ;
Reconnaissant le large soutien que la Nation tout entière apporte à la Conférence Nationale ;
Affirmant que nul n’est au-dessus du peuple et que, de ce fait, personne ne peut se soustraire à ses décisions souveraines ;
Réaffirmant la nécessité impérieuse de lier l’ensemble des institutions établies aux décisions de la Conférence ;
Conscients de nos responsabilités devant Dieu, la Nation, l’Afrique et le Monde ;
PROCLAMONS :
Article unique
La Conférence Nationale est Souveraine. Ses décisions sont impératives, exécutoires et opposables à tous.
Fait à Kinshasa, le 5 mai 1992.
Introduction : Un pas décisif vers la paix et la démocratie
Le 30 juillet 1992, dans un climat politique tendu mais porteur d’espoir, le Zaïre franchit une étape cruciale de son histoire. À l’issue de rencontres intenses et de concertations ardues, un Compromis Politique Global est adopté, jetant les bases d’une transition pacifique vers la démocratie. Cet acte constitutif est le fruit d’un dialogue entre le Président Mobutu Sese Seko, les délégués de la Conférence Nationale Souveraine (CNS), et les représentants des différentes forces vives de la nation.
I. Les prémices d’un accord historique
Tout commence le 27 juillet 1992, lorsque le paisible cadre de N’Sele accueille une rencontre décisive. Une délégation de la CNS, menée par l’influent Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, rencontre le Président Mobutu. Ensemble, ils conviennent de réunir les diverses composantes politiques et sociales du pays pour des réunions de concertation. L’objectif est clair : trouver un compromis global capable de garantir une transition sans heurts.
Les jours suivants, du 27 au 30 juillet, la salle « Shaba » du Palais du Peuple devient le théâtre de discussions intenses. Les délégués des différentes plates-formes politiques, les experts de la Présidence, et le Bureau élargi de la Commission chargée de l’organisation de la Transition, en tant que modérateur, travaillent sans relâche pour parvenir à un accord.
II. Les dix principes fondamentaux : le socle de la transition
Au cœur de ce compromis se trouvent dix principes de base, acceptés à l’unanimité par toutes les parties :
- Neutralité de la Transition : La période de transition doit servir la nation entière, sans favoritisme partisan. C’est un moment de rassemblement pour surmonter la crise actuelle.
- Respect des droits fondamentaux : Chaque Zaïrois doit jouir pleinement des droits de la personne humaine et du citoyen dans une démocratie pluraliste.
- Responsabilité et contrôle des institutions : Toute personne ou institution impliquée dans la gestion de l’État doit être régulièrement contrôlée et, si nécessaire, sanctionnée.
- Rejet de l’imposition autoritaire : Aucune institution ne peut imposer sa volonté au peuple ou aux autres institutions.
- Autonomie des institutions : Chaque institution doit jouir de garanties suffisantes pour exercer ses pouvoirs sans entraves, tout en évitant l’isolement dans la gestion des affaires nationales.
- Équilibre des pouvoirs : Aucun organe ne doit utiliser ses prérogatives pour entraver ou empêcher un autre d’exercer les siennes.
- Préservation du prestige du Président : En tant qu’institution suprême et symbole de l’unité nationale, le Président de la République doit être protégé de tout ce qui pourrait entamer son prestige pendant la transition.
- Responsabilité du Gouvernement : Le Gouvernement est entièrement responsable de la gestion des affaires publiques et rend compte à la nation via le Haut Conseil de la République.
- Défense nationale collective : La défense du pays incombe à tous les Zaïrois et nécessite une collaboration étroite entre les plus hautes instances de l’État.
- Armée pour le développement : L’armée nationale doit non seulement défendre le territoire contre les agressions extérieures, mais aussi participer activement à l’édification nationale en temps de paix.
III. Les objectifs ambitieux de la transition
Les signataires du compromis assignent à la transition des objectifs clairs et ambitieux :
- Organisation du référendum constitutionnel et des élections : Mettre en place les mécanismes nécessaires pour consulter le peuple et organiser des scrutins libres et transparents.
- Établissement d’institutions démocratiques : Doter le pays d’institutions issues d’élections sincères, reflétant la volonté du peuple.
- Relance économique et mobilisation nationale : Encourager la population à reprendre le travail et revitaliser l’économie nationale.
- Réhabilitation de l’État : Restaurer l’autorité de l’État et rétablir la confiance entre les citoyens et les institutions.
IV. Une transition encadrée et limitée dans le temps
Conscients de l’urgence, les parties fixent la durée de la transition entre 18 et 24 mois. Ce délai doit permettre de réaliser les objectifs fixés tout en évitant une période d’incertitude prolongée.
V. Des institutions de transition équilibrées
- Le Président de la République : Il représente la Nation et reste le Chef suprême des Forces armées. Cependant, en matière de défense nationale et de politique extérieure, ses prérogatives deviennent des domaines de collaboration avec les autres institutions.
- Défense nationale : Il peut déclarer la guerre dans des conditions définies par le cadre juridique de la transition, en présidant le Conseil supérieur de la défense où siègent également le Président du Haut Conseil de la République et le Premier Ministre.
- Politique extérieure : Il représente le pays lors des sommets internationaux, accompagné du Ministre des Affaires Étrangères. Les traités et accords internationaux sont négociés par le Gouvernement en accord avec lui.
- Nominations : Les nominations des officiers militaires et des diplomates sont proposées par le Gouvernement et validées par le Président, après avis d’une commission du Haut Conseil de la République.
- Collaboration renforcée : Des réunions de concertation peuvent se tenir entre le Président et le Gouvernement pour assurer une gouvernance harmonieuse.
- Le Haut Conseil de la République (HCR) : Créé pour assurer le suivi des décisions de la CNS, le HCR exerce le pouvoir législatif pendant la transition. Il peut habiliter le Gouvernement à prendre des actes législatifs promulgués par le Chef de l’État.
- L’Assemblée Nationale : Elle n’est plus considérée comme une institution de la transition. Elle est mise en congé dès l’adoption du cadre juridique de la transition et dissoute de plein droit après l’adoption de la nouvelle constitution par référendum.
- Le Gouvernement de Transition : Issu de la CNS, il exerce le pouvoir réglementaire et a l’initiative des lois. Les forces de sécurité intérieure, notamment la gendarmerie nationale et la garde civile, relèvent désormais de son autorité directe.
VI. Un cadre juridique clair pour une nouvelle ère
Le document qui encadre la transition est nommé « Acte portant dispositions constitutionnelles relatives à la période de Transition ». Il précise que toutes les dispositions de l’actuelle constitution contraires à ce nouvel acte sont abrogées. Cette démarche vise à offrir un cadre légal solide pour soutenir la transition et éviter les ambiguïtés juridiques.
VII. Implication du Chef de l’État dans la dynamique de la CNS
Pour sceller ce compromis historique et renforcer la légitimité du processus, il est proposé que le Président Mobutu signe conjointement avec Mgr Monsengwo Pasinya l’acte constitutif lors d’une cérémonie solennelle. Ce geste symbolique témoigne de l’engagement du Chef de l’État dans la transition et de sa volonté de collaborer avec les forces vives de la nation.
Conclusion : Un nouveau souffle pour le Zaïre
Le Compromis Politique Global du 30 juillet 1992 est bien plus qu’un simple accord politique. Il représente l’espoir d’un peuple désireux de tourner la page d’années de crise et de construire un avenir démocratique. En réunissant autour de la table les différentes composantes de la société zaïroise, ce compromis pose les jalons d’une transition pacifique et inclusive.
Le chemin vers la démocratie est encore long et semé d’embûches, mais cet acte constitutif marque une étape essentielle. Il témoigne de la capacité des Zaïrois à dialoguer, à dépasser leurs divergences et à œuvrer ensemble pour le bien commun.
Fait à Kinshasa, le 31 juillet 1992.
Ce jour-là, une nouvelle page de l’histoire du Zaïre s’écrit, portée par la volonté collective de bâtir une nation unie, prospère et démocratique.
La Transition Démocratique au Zaïre (1990-1994) : Analyse à Travers le Prisme du Choix Rationnel et de la Psychologie Politique#
Entre 1990 et 1994, le Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo) traverse une période charnière de son histoire. Le régime autoritaire du président Mobutu Sese Seko, en place depuis 1965, est confronté à des pressions internes et externes pour initier des réformes démocratiques. Cette transition est marquée par des événements politiques majeurs tels que le discours historique du 24 avril 1990, la convocation de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) et la nomination de plusieurs Premiers ministres issus de l’opposition.
Cet article propose une analyse approfondie de cette transition démocratique en mobilisant la théorie du choix rationnel et la psychologie politique. En examinant les décisions de Mobutu et d’autres acteurs clés, nous explorerons comment des choix perçus comme rationnels peuvent aboutir à des résultats inattendus. Nous intégrerons également des perspectives locales et contextuelles pour offrir une compréhension nuancée des dynamiques politiques de l’époque.
I. Contexte Historique de la Transition Démocratique#
1. Le Discours du 24 avril 1990 : Un Tournant Historique#
Le 24 avril 1990, face à une pression croissante de la société civile, des mouvements d’opposition et de la communauté internationale, Mobutu Sese Seko prononce un discours emblématique où il annonce la fin du parti unique et l’ouverture au multipartisme. Ce discours, souvent appelé « Comprenez mon émotion », marque le début officiel de la transition démocratique au Zaïre (Bokamba, 1997).
Ce geste est perçu par beaucoup comme une stratégie pour désamorcer les tensions sans véritablement céder le pouvoir. Mobutu cherche à maintenir son contrôle sur le processus de transition en offrant des concessions limitées (Nzongola-Ntalaja, 2002).
2. La Conférence Nationale Souveraine (CNS) : Espoirs et Désillusions#
En août 1991, la Conférence Nationale Souveraine est convoquée. Présidée par Mgr Laurent Monsengwo Pasinya, elle réunit plus de 2 800 délégués représentant diverses composantes de la société zaïroise : partis politiques, syndicats, organisations religieuses et groupes ethniques (Tshiyembe, 1997).
La CNS se déclare souveraine en mai 1992, affirmant ainsi son autorité sur les institutions existantes. Elle vise à restructurer l’État, rédiger une nouvelle constitution et préparer des élections démocratiques. Toutefois, Mobutu tente de limiter son influence, créant un climat de confrontation politique (Willame, 1992).
3. Les Premiers Ministres de la Transition : Une Instabilité Chronique#
Plusieurs Premiers ministres se succèdent pendant cette période, reflétant les tensions entre le régime de Mobutu et l’opposition :
- Étienne Tshisekedi : Nommé en 1991 puis en 1992, leader de l’UDPS, il symbolise l’espoir démocratique mais entre rapidement en conflit avec Mobutu qui le destitue.
- Faustin Birindwa : Nommé en 1993, considéré comme un allié de Mobutu, sa nomination divise davantage l’opposition.
- Léon Kengo wa Dondo : Nommé en 1994, technocrate reconnu, il tente de redresser l’économie mais sa marge de manœuvre est limitée (Young & Turner, 1985).
II. Théorie du Choix Rationnel et Décisions Politiques de Mobutu#
1. Comprendre la Théorie du Choix Rationnel#
La théorie du choix rationnel postule que les individus prennent des décisions en maximisant leurs intérêts personnels, basées sur une analyse coûts-bénéfices (Downs, 1957). En politique, cela signifie que les dirigeants agissent pour conserver le pouvoir, en évaluant les options qui leur sont les plus favorables.
2. Les Choix de Mobutu : Rationalité et Biais Cognitifs#
Mobutu, confronté à des pressions multiformes, décide d’ouvrir le paysage politique pour atténuer les tensions. En autorisant le multipartisme et en convoquant la CNS, il espère canaliser l’opposition tout en préservant son autorité (Callaghy, 1984).
Cependant, cette décision s’avère risquée. En sous-estimant le désir profond de changement du peuple zaïrois et la détermination de l’opposition, Mobutu ouvre la porte à une contestation accrue de son régime. Son calcul rationnel ne tient pas compte de variables imprévisibles, telles que la dynamique sociale et les aspirations démocratiques (Reno, 1998).
3. Biais Cognitifs et Perception du Pouvoir#
La psychologie politique souligne que les dirigeants peuvent être influencés par des biais cognitifs, comme l’excès de confiance ou la dissonance cognitive (Jervis, 1976). Mobutu, fort de son long règne, peut avoir surestimé sa capacité à contrôler le processus de transition et sous-estimé l’ampleur de l’opposition à son égard.
III. Contextualisation : Facteurs Sociaux et Culturels#
1. Divisions ethniques et Régionales#
Le Zaïre est un pays caractérisé par une grande diversité ethnique et régionale. Les tensions entre communautés, notamment entre les Kasaïens et les Shabiens, sont exacerbées pendant la transition (Nzongola-Ntalaja, 2002). Ces divisions compliquent la formation d’une opposition unifiée et offrent à Mobutu des opportunités pour diviser pour mieux régner.
2. Rôle de la Société Civile et des Églises#
La société civile, en particulier l’Église catholique, joue un rôle crucial en soutenant les aspirations démocratiques. Mgr Monsengwo, président de la CNS, devient une figure emblématique de la résistance pacifique (Tshiyembe, 1997). Les organisations non gouvernementales et les mouvements étudiants mobilisent la population contre le régime autoritaire.
3. Influence des Traditions Politiques#
Les traditions politiques au Zaïre, marquées par le clientélisme et le népotisme, influencent la perception du pouvoir et de l’État. La défiance envers les institutions publiques complique la mise en place de réformes démocratiques durables (Bayart, 1989).
IV. Comparaisons Internationales : Entre Gorbatchev et Mandela#
1. Mobutu et Gorbatchev : Des Réformes aux Conséquences Inattendues#
La comparaison avec Mikhaïl Gorbatchev est instructive. Gorbatchev, en initiant la perestroïka et la glasnost, visait à réformer l’Union soviétique pour la renforcer. Cependant, ces réformes ont accéléré sa dissolution (Brown, 1996). De même, Mobutu, en engageant des réformes limitées, ne prévoyait pas que cela conduirait à sa chute.
2. Nelson Mandela : Une Transition Réussie#
Contrairement à Mobutu, Nelson Mandela a su orchestrer une transition pacifique en Afrique du Sud, en prônant la réconciliation nationale et en comprenant les aspirations de toutes les composantes de la société (Sparks, 1995). Cela souligne l’importance de l’anticipation et de l’empathie dans le leadership politique.
V. Conséquences Humanitaires et Sociales de la Transition#
1. Impact sur la Population#
La période de transition est marquée par une détérioration des conditions de vie. L’économie s’effondre, l’inflation explose et les services publics sont dysfonctionnels (Vlassenroot & Raeymaekers, 2004). La population, prise entre l’espoir de la démocratie et la réalité de la misère, est confrontée à des défis quotidiens immenses.
2. Conflits Armés et Crise Humanitaire#
L’instabilité politique favorise l’émergence de conflits armés, notamment dans l’est du pays. Les tensions ethniques dégénèrent en violences, provoquant des déplacements massifs de population et une crise humanitaire majeure (Prunier, 2009).
3. Témoignages et Perceptions Citoyennes#
Les témoignages de citoyens zaïrois reflètent une mixité de sentiments : espoir, frustration, colère. Beaucoup expriment leur désillusion face à une transition qui ne tient pas ses promesses (De Boeck, 1996).
VI. Leçons Tirées et Perspectives Actuelles#
1. Limites du Contrôle Autoritaire#
L’expérience du Zaïre montre que des réformes superficielles ne suffisent pas à contenir les aspirations démocratiques d’un peuple. Les tentatives de Mobutu pour contrôler la transition ont finalement conduit à sa chute (Young & Turner, 1985).
2. Importance d’une Transition Inclusive#
Une transition réussie nécessite l’inclusion de toutes les forces politiques et sociales, le respect des diversités ethniques et régionales, et la mise en place de mécanismes de réconciliation (Kennes, 2002).
3. Rôle de la Psychologie Politique#
La compréhension des motivations individuelles, des biais cognitifs et des perceptions sociales est essentielle pour anticiper les conséquences des décisions politiques. Les leaders doivent intégrer ces dimensions pour prendre des décisions éclairées (Levy, 2003).
4. Pertinence pour les Transitions Démocratiques Actuelles#
Les leçons tirées de la transition zaïroise sont pertinentes pour d’autres pays en quête de démocratie. Elles soulignent la complexité des transitions politiques et l’importance d’une approche holistique qui intègre les facteurs politiques, sociaux, culturels et psychologiques (Cheeseman, 2015).
Conclusion#
La transition démocratique au Zaïre entre 1990 et 1994 est un exemple emblématique des défis auxquels sont confrontés les pays tentant de passer d’un régime autoritaire à une démocratie. En mobilisant la théorie du choix rationnel et la psychologie politique, nous avons exploré comment les décisions des dirigeants, influencées par des motivations complexes et des perceptions biaisées, peuvent aboutir à des résultats inattendus.
Cette période souligne l’importance pour les leaders de comprendre les dynamiques sociales, les aspirations populaires et les implications de leurs choix. Une transition réussie ne peut être imposée d’en haut, mais doit être le fruit d’un processus inclusif et empathique.
Pour les chercheurs et les décideurs actuels, l’étude de la transition zaïroise offre des enseignements précieux sur la nécessité d’intégrer des approches multidisciplinaires pour comprendre et accompagner les processus de démocratisation.
Références#
- Bayart, J.-F. (1989). L’État en Afrique : La politique du ventre. Fayard.
- Bokamba, E. G. (1997). The Politics of Neutralization in Zaïre: Personal Rulership and the Transition to Democracy. Africa Today, 44(4), 373-388.
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