Biographie de Cyrille Adoula
Cyrille Adoula (13 septembre 1921 – 24 mai 1978) fut un syndicaliste et homme d'État congolais qui a servi en tant que Premier ministre de la République Démocratique du Congo de 1961 à 1964.
Un Artisan de l'Unité Nationale Congolaise
Introduction#
Cyrille Adoula (13 septembre 1921 – 24 mai 1978) fut un syndicaliste et homme d’État congolais qui a servi en tant que Premier ministre de la République Démocratique du Congo de 1961 à 1964. Son mandat a été marqué par des efforts constants pour unifier le pays pendant une période de crise et de sécession. Cette biographie vise à retracer son parcours, en mettant en lumière ses contributions majeures à la nation congolaise.
Jeunesse et Formation#
Né le 13 septembre 1921 à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) de parents bangala de la classe moyenne, Cyrille Adoula a grandi dans un environnement qui valorisait l’éducation. Il a fréquenté une école primaire catholique avant de poursuivre ses études secondaires à l’Institut Saint-Joseph, dont il est sorti diplômé en 1941 (Nzongola-Ntalaja, 2002).
Après ses études, Adoula a commencé à travailler comme commis pour diverses entreprises commerciales jusqu’en 1952, où il a accepté un poste à la Banque Centrale du Congo Belge. Il est ainsi devenu le premier Africain à occuper un poste important dans cette institution (Young, 1965).
Carrière Syndicale et Politique Pré-Indépendance#
Engagement Syndical#
En 1948, Adoula est devenu membre du Conseil pour le Travail et la Prévoyance Sociale Indigène, s’engageant activement dans la défense des droits des travailleurs congolais (Dunn, 2003). En 1954, il a rejoint le Parti Socialiste Belge et est devenu le représentant de l’Action Socialiste à Léopoldville. Il a également adhéré à la Fédération Générale du Travail de Belgique, où il a gravi les échelons pour devenir l’un des principaux délégués congolais (Gérard-Libois, 1966).
Co-fondateur du Mouvement National Congolais#
En octobre 1958, aux côtés de Patrice Lumumba, Joseph Iléo et d’autres, Adoula a co-fondé le Mouvement National Congolais (MNC), visant à obtenir l’indépendance du Congo par des moyens pacifiques (Kanza, 1994). Il est devenu vice-président du parti, mais en 1959, des divergences avec Lumumba l’ont conduit à former sa propre faction, le MNC-Kalonji, avec Albert Kalonji (Hoskyns, 1965).
Le Congo Indépendant et la Crise Politique#
Sénateur et Début de l’Indépendance#
Avec l’indépendance du Congo le 30 juin 1960, Adoula a été élu sénateur, représentant la ville de Coquilhatville (actuelle Mbandaka) (Weissman, 1974). Bien qu’élu avec le soutien du Parti de l’Unité Nationale, il s’est identifié comme indépendant, mettant l’accent sur l’unité nationale au-delà des affiliations partisanes.
Lors de la première session du Sénat le 17 juin 1960, Adoula a proposé une résolution, adoptée à l’unanimité, interdisant aux représentants de l’Union sud-africaine d’assister aux célébrations de l’indépendance du Congo en raison de la politique d’apartheid de ce pays (De Witte, 2001).
Distance avec le Gouvernement Lumumba#
Bien que Patrice Lumumba lui ait offert un poste ministériel, Adoula a décliné, exprimant son insatisfaction quant à la composition du gouvernement. Il a estimé que Lumumba avait commis une erreur en acceptant le poste de Premier ministre dans un cabinet qui faisait face à de fortes critiques (Nzongola-Ntalaja, 2002).
Premier Ministre (1961-1964)#
Nomination et Contexte Politique#
Après l’assassinat de Lumumba et en pleine Crise congolaise, Adoula est apparu comme un candidat de consensus pour le poste de Premier ministre. Le 2 août 1961, il a été nommé formateur du nouveau gouvernement par le président Joseph Kasa-Vubu et a présenté son cabinet au Parlement, obtenant un vote de confiance écrasant (Gérard-Libois, 1966).
Efforts pour l’Unité Nationale#
Adoula a tenté de réunifier le pays en intégrant des partisans de Lumumba dans son gouvernement, y compris Antoine Gizenga en tant que vice-Premier ministre (Hoskyns, 1965). Cependant, son mandat a été marqué par des défis constants, notamment la sécession du Katanga sous Moïse Tshombe et les insurrections dans l’est du pays.
Tableau 1 : Principaux Événements du Mandat d’Adoula (1961-1964)#
Année | Événement Clé |
---|---|
1961 | Nomination au poste de Premier ministre |
1962 | Arrestation d’Antoine Gizenga |
1963 | Fin de la sécession du Katanga |
1964 | Intensification des rébellions Simba et Kwilu |
Politique Étrangère et Non-Alignement#
Sur le plan international, Adoula a poursuivi une politique de neutralité et a participé au 1er Sommet du Mouvement des Non-Alignés à Belgrade le 4 septembre 1961 (Namikas, 2013). Il a soutenu les mouvements de libération en Afrique australe, notamment en Angola, où il a entretenu des relations étroites avec Holden Roberto du Front National de Libération de l’Angola (FNLA) (Shubin, 2008).
Plus d’informations sur le Mouvement des Non-Alignés sont disponibles ici.
Citations et Pensées Politiques#
Adoula était connu pour son engagement envers le socialisme non marxiste et l’unité nationale. Dans une interview accordée à Présence Africaine en décembre 1957, il a déclaré :
« Étant socialiste, je suis pour la transformation de la société actuelle en une société bénéficiant à l’ensemble de la collectivité. Et pour cela, je conçois la collectivisation des moyens de production et des travailleurs de base de ces derniers. Pour atteindre cet objectif, je ne vois qu’un moyen : la lutte des classes, la lutte des classes permanente jusqu’à ce que ce résultat soit obtenu. » (Adoula, 1957)
Fin de Mandat et Vie Ultérieure#
Démission et Succession#
Face à l’incapacité de contenir les rébellions et sous la pression du président Kasa-Vubu, Adoula a démissionné le 30 juin 1964. Il a été remplacé par Moïse Tshombe, ancien leader sécessionniste du Katanga (Weissman, 1974).
Ambassadeur et Retraite Politique#
Après un bref exil volontaire, Adoula est retourné au Congo après la prise de pouvoir de Mobutu en 1965. Il a servi comme ambassadeur du Congo aux États-Unis et en Belgique. En 1969, il a été nommé ministre des Affaires étrangères, mais a pris sa retraite de la vie politique en 1970 pour des raisons de santé (De Witte, 2001).
Décès et Héritage#
Cyrille Adoula est décédé le 24 mai 1978 à Lausanne, en Suisse, des suites d’une maladie cardiaque. Son héritage est celui d’un homme d’État qui a tenté de naviguer le Congo à travers l’une des périodes les plus tumultueuses de son histoire, en privilégiant toujours l’unité nationale et le dialogue (Nzongola-Ntalaja, 2002).
Conclusion#
Cyrille Adoula reste une figure importante dans l’histoire de la RDC. Bien que confronté à des défis immenses, son engagement envers le socialisme démocratique et l’unité nationale a marqué une étape cruciale dans la construction de l’État congolais post-indépendance. Son approche modérée et ses efforts diplomatiques ont jeté les bases de la politique étrangère congolaise non alignée.
Références#
- Adoula, C. (1957). Interview avec Présence Africaine. Présence Africaine, (12), 45-50.
- De Witte, L. (2001). L’Assassinat de Lumumba. Paris : Karthala.
- Dunn, K. C. (2003). Imagining the Congo: The International Relations of Identity. New York : Palgrave Macmillan.
- Gérard-Libois, J. (1966). L’Évolution politique du Congo (1957-1962). Bruxelles : CRISP.
- Hoskyns, C. (1965). The Congo since Independence: January 1960 – December 1961. London : Oxford University Press.
- Kanza, T. (1994). The Rise and Fall of Patrice Lumumba: Conflict in the Congo. Boston : MIT Press.
- Namikas, L. (2013). Battleground Africa: Cold War in the Congo, 1960–1965. Washington D.C. : Woodrow Wilson Center Press.
- Nzongola-Ntalaja, G. (2002). The Congo from Leopold to Kabila: A People’s History. London : Zed Books.
- Shubin, V. (2008). The Hot « Cold War »: The USSR in Southern Africa. London : Pluto Press.
- Weissman, S. R. (1974). American Foreign Policy in the Congo 1960–1964. Ithaca : Cornell University Press.
- Young, C. (1965). Politics in the Congo: Decolonization and Independence. Princeton : Princeton University Press.
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