La Conférence Nationale Souveraine au Zaïre (CNS) 1991
Plongez dans l'histoire de la Conférence Nationale Souveraine au Zaïre, un événement crucial qui a marqué la transition démocratique du pays.
Analyse Historique d'un Processus Politique Clé dans la Transition Zaïroise
Introduction#
Au début des années 1990, le Zaïre est confronté à une crise politique, économique et sociale sans précédent. Le régime autoritaire de Mobutu Sese Seko, au pouvoir depuis 1965, est fragilisé par des pressions internes et externes réclamant des réformes démocratiques. C’est dans ce contexte que la Conférence Nationale Souveraine (CNS) est convoquée en 1991. Cette assemblée, réunissant divers acteurs de la société zaïroise, vise à instaurer une transition pacifique vers la démocratie. Cet article explore le contexte historique de la CNS, ses enjeux, son déroulement et son impact sur l’histoire politique du Zaïre.
I. Contexte Historique de la Convocation de la CNS#
1. Le Régime de Mobutu : Un Pouvoir Autoritaire Contesté#
Depuis son accession au pouvoir, Mobutu Sese Seko a établi un régime autocratique basé sur le parti unique, le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). La centralisation du pouvoir, la corruption endémique et la répression des opposants caractérisent son règne. À la fin des années 1980, le pays est en proie à une grave crise économique, exacerbée par la chute des cours des matières premières et la mauvaise gestion gouvernementale.
2. Les Pressions Internes pour la Démocratisation#
Le mécontentement populaire grandit face à la détérioration des conditions de vie. Des mouvements d’opposition se forment clandestinement, parmi lesquels l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) d’Étienne Tshisekedi. Les églises, en particulier l’Église catholique, jouent un rôle crucial en soutenant les revendications démocratiques et en critiquant ouvertement le régime.
3. Les Pressions Internationales et la Fin de la Guerre Froide#
La fin de la Guerre froide modifie les relations internationales. Les bailleurs de fonds occidentaux, auparavant tolérants envers les régimes autoritaires alliés, conditionnent désormais leur aide à la mise en place de réformes démocratiques. Le Zaïre, dépendant de l’aide étrangère, subit ces pressions pour engager une transition politique.
II. La Convocation de la Conférence Nationale Souveraine#
1. Les Motivations de Mobutu#
Confronté à une contestation grandissante, Mobutu annonce, le 24 avril 1990, l’instauration du multipartisme lors d’un discours émouvant où il déclare « Comprenez mon émotion ». Cependant, les réformes tardent à se concrétiser, et les tensions persistent. Face à l’insistance de l’opposition et aux pressions internationales, Mobutu accepte finalement la tenue d’une Conférence Nationale.
2. Les Objectifs de la CNS#
La CNS, convoquée le 7 août 1991, a pour but de :
- Examiner la situation politique du pays.
- Élaborer une nouvelle constitution.
- Mettre en place des institutions de transition.
- Préparer des élections libres et transparentes.
3. La Composition de la Conférence#
La CNS réunit plus de 2 800 délégués représentant divers secteurs :
- Partis politiques : Opposition et mouvance présidentielle.
- Société civile : Syndicats, associations professionnelles, organisations religieuses.
- Forces armées : Représentants de l’armée et de la police.
- Observateurs internationaux : Pour garantir la transparence du processus.
III. Le Déroulement de la Conférence#
1. Les Défis Organisationnels#
La CNS est marquée par des défis majeurs :
- Manœuvres d’Obstruction : Le camp présidentiel tente de saboter la conférence par divers moyens, notamment en retardant les séances et en contestant les procédures.
- Conflits Internes : Des divergences apparaissent entre les différents groupes d’opposition, affaiblissant leur position commune.
- Pressions Externes : Mobutu utilise son influence pour intimider les délégués et contrôler les décisions.
2. Les Moments Clés#
- Élection du Présidium : Après de vifs débats, l’archevêque de Kisangani, Monseigneur Laurent Monsengwo Pasinya, est élu président du bureau de la CNS, apportant une crédibilité morale à l’assemblée.
- Déclaration de Souveraineté : Le 6 décembre 1991, la CNS se déclare souveraine, affirmant son autorité sur le gouvernement en place.
- Nomination d’un Premier Ministre de Transition : En août 1992, la CNS désigne Étienne Tshisekedi comme Premier ministre, marquant un affront direct à Mobutu.
3. Les Résultats de la CNS#
- Adoption d’une Nouvelle Constitution : La CNS élabore une constitution prévoyant un régime démocratique multipartite, la séparation des pouvoirs et la protection des droits humains.
- Mise en Place d’Institutions de Transition : Création du Haut Conseil de la République (HCR), faisant office de parlement transitoire.
- Programme de Réformes Économiques et Sociales : Des mesures sont proposées pour redresser l’économie et améliorer les conditions de vie de la population.
IV. Les Conséquences et l’Impact de la CNS#
1. La Réaction de Mobutu#
Mobutu refuse de reconnaître l’autorité de la CNS et du gouvernement de Tshisekedi. Il nomme ses propres Premiers ministres, créant une situation de double pouvoir. Cette confrontation paralyse le pays et entrave la mise en œuvre des réformes.
2. Les Répercussions sur la Scène Nationale#
- Instabilité Politique : Les luttes de pouvoir provoquent des troubles, des grèves et des manifestations.
- Crise Économique Aggravée : L’incertitude politique dissuade les investissements et exacerbe la crise économique.
- Émergence de Conflits Armés : Des factions armées profitent du vide politique pour étendre leur influence, notamment dans l’est du pays.
3. L’Influence sur la Transition Démocratique#
La CNS, malgré ses échecs, marque une étape importante :
- Prise de Conscience Citoyenne : La population s’engage davantage dans le processus politique, revendiquant ses droits.
- Internationalisation de la Crise : La communauté internationale s’implique davantage, notamment via des sanctions et des médiations.
4. Tableau Récapitulatif des Événements Clés#
Date | Événement |
---|---|
24 avril 1990 | Mobutu annonce le multipartisme |
7 août 1991 | Ouverture de la CNS |
6 décembre 1991 | La CNS se déclare souveraine |
Août 1992 | Étienne Tshisekedi nommé Premier ministre par la CNS |
1993 – 1996 | Période de paralysie politique et économique |
Mai 1997 | Chute de Mobutu et prise de pouvoir par Laurent-Désiré Kabila |
V. L’Héritage de la CNS dans l’Histoire du Zaïre#
1. Un Exemple de Mobilisation Nationale#
La CNS reste un exemple unique en Afrique d’une assemblée rassemblant un large éventail de la société pour discuter de l’avenir du pays. Elle symbolise l’espoir d’une transition démocratique menée par les acteurs nationaux.
2. Les Leçons Tirées#
- Nécessité d’une Volonté Politique Forte : Sans l’engagement réel des dirigeants, les réformes démocratiques peinent à se concrétiser.
- Importance de l’Unité de l’Opposition : Les divisions internes affaiblissent la capacité à provoquer un changement significatif.
- Rôle de la Société Civile : Les organisations non gouvernementales et religieuses peuvent influencer positivement le processus politique.
3. L’Impact sur la Transition Ultérieure#
La CNS a préparé le terrain pour les événements ultérieurs, notamment la chute de Mobutu en 1997. Bien que ses objectifs n’aient pas été pleinement réalisés, elle a contribué à éveiller la conscience politique et à renforcer les aspirations démocratiques du peuple zaïrois.
Conclusion#
La Conférence Nationale Souveraine au Zaïre représente un moment charnière dans l’histoire du pays. Elle incarne les espoirs et les défis d’une transition démocratique dans un contexte marqué par des décennies de régime autoritaire. Malgré les obstacles et les limites rencontrés, la CNS a laissé un héritage durable en stimulant l’engagement citoyen et en posant les jalons d’un changement politique. Son étude offre des enseignements précieux sur les processus de démocratisation, les dynamiques de pouvoir et le rôle crucial de la société civile dans la construction d’un avenir démocratique.
Bibliographie#
- Nzongola-Ntalaja, Georges. The Congo from Leopold to Kabila: A People’s History. Zed Books, 2002.
- Willame, Jean-Claude. Zaïre: Predicament and Prospects. Westview Press, 1992.
- Gould, David J. Local Politics and the Mission of Building Democracy in the Democratic Republic of Congo. Edwin Mellen Press, 2010.
- Reno, William. Warlord Politics and African States. Lynne Rienner Publishers, 1998.
- Young, Crawford, et Turner, Thomas. The Rise and Decline of the Zairian State. University of Wisconsin Press, 1985.
- Callaghy, Thomas M. The State-Society Struggle: Zaire in Comparative Perspective. Columbia University Press, 1984.
- Tshiyembe, Mwayila. La Transition démocratique zaïroise: enjeux et perspectives. L’Harmattan, 1997.
- Bayart, Jean-François. L’État en Afrique : La politique du ventre. Fayard, 1989.
- Mutamba Lukusa, Jean. Le Zaïre de Mobutu à Kabila : 32 ans de transition démocratique. L’Harmattan, 2002.
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