RDC : MSF publie des chiffres alarmants sur les admissions liées à la violence sexuelle
MSF
Dans un rapport rétrospectif publié lundi, Médecins Sans Frontières (MSF) a annoncé qu’avec le ministère de la Santé, l’organisation avait traité un nombre sans précédent de survivantes et survivants de violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC) en 2023.
Cette tendance à la hausse s’est poursuivie dans les premiers mois de 2024. L’organisation médicale humanitaire appelle tous les acteurs nationaux et internationaux à prendre des mesures urgentes pour mieux prévenir ce phénomène et améliorer la prise en charge des survivants [1].
En 2023, les équipes de MSF en RDC ont contribué au traitement de 25 166 survivants de violences sexuelles à travers le pays, soit plus de deux chaque heure. Ce chiffre est de loin le plus élevé jamais enregistré par MSF en RDC, basé sur les données de 17 projets mis en place en soutien au ministère de la Santé dans cinq provinces congolaises : le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, l’Ituri, le Maniema et le Kasaï central.
Au cours des années précédentes (2020, 2021, 2022), les équipes de MSF ont traité en moyenne 10 000 survivants par an dans le pays. L’année 2023 marque donc une augmentation massive des admissions.
Cette tendance s’est accélérée dans les premiers mois de 2024 : dans la seule province du Nord-Kivu, 17 363 survivants ont été traités avec l’assistance de MSF entre janvier et mai. À moins de la moitié de l’année, cela représentait déjà 69 % du nombre total de survivants traités en 2023 dans les cinq provinces mentionnées.
Les femmes déplacées, premières victimes
Les données de soins de 2023, analysées et vérifiées sur plusieurs mois, présentées dans le rapport « Nous appelons à l’aide », montrent que 91 % des survivants traités avec l’assistance de MSF en RDC ont été admis dans la province du Nord-Kivu.
Dans cette région, les affrontements entre le groupe M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs font rage depuis fin 2021, forçant des centaines de milliers de civils à fuir [2].
La grande majorité des survivants (17 829) ont été traités dans les sites de déplacement autour de Goma, qui ont continué de croître tout au long de 2023. « Selon les témoignages de nos patients, les deux tiers ont été attaqués sous la menace d’une arme », a déclaré Christopher Mambula, responsable des programmes de MSF en RDC.
« Ces attaques ont eu lieu sur les sites eux-mêmes, mais aussi aux alentours lorsque les femmes et les filles—qui représentaient 98 % des survivants traités par MSF en RDC en 2023—sortaient pour collecter du bois ou de l’eau, ou pour travailler dans les champs. »
La présence massive d’hommes armés dans et autour des sites de déplacement explique cette explosion de violences sexuelles. L’insuffisance de la réponse humanitaire et les conditions de vie inhumaines dans ces sites alimentent également le phénomène.
Le manque de nourriture, d’eau et d’activités génératrices de revenus exacerbe la vulnérabilité des femmes et des filles (1 sur 10 survivants traités par MSF en 2023 était mineure), qui sont contraintes de se rendre sur les collines et les champs voisins où se trouvent de nombreux hommes armés.
L’absence d’installations sanitaires adéquates et d’abris sûrs pour les femmes et les filles les rend vulnérables aux attaques. D’autres sont victimes d’exploitation sexuelle pour subvenir aux besoins de leurs familles [3].
Appels urgents à l’action
Basé sur les besoins exprimés par les survivants et s’appuyant sur des travaux antérieurs pour résoudre ce problème de longue date dans le pays, le rapport de MSF liste une vingtaine d’actions urgentes à entreprendre par les parties au conflit, les autorités congolaises—nationales, provinciales et locales—ainsi que les donateurs internationaux et le secteur humanitaire. Pour MSF, trois domaines d’action urgents se dégagent.
Premièrement, MSF appelle toutes les parties au conflit à assurer le respect du droit international humanitaire. En particulier, elle demande l’interdiction absolue des actes de violence sexuelle, mais aussi le respect du caractère civil des sites de déplacement. La protection des civils pris dans les combats doit être une priorité. L’appel à protéger les civils contre les abus s’adresse également à ceux impliqués dans les programmes humanitaires.
Deuxièmement, MSF appelle à l’amélioration des conditions de vie dans les sites pour les déplacés internes. L’accès aux besoins de base doit être amélioré : nourriture, eau, activités génératrices de revenus, ainsi qu’à des installations sanitaires sûres et bien éclairées et à des abris.
Ces investissements doivent être accompagnés d’efforts accrus pour sensibiliser sur la violence sexuelle. Alors que le financement humanitaire doit être suffisamment flexible pour répondre aux besoins émergents et urgents, les partenaires de mise en œuvre doivent également faire preuve de responsabilité dans la réalisation des interventions.
Enfin, MSF appelle à un investissement spécifique dans une meilleure prise en charge médicale, sociale, juridique et psychologique des survivants de violences sexuelles.
Cela nécessite un financement à long terme pour améliorer la formation médicale, l’approvisionnement en kits post-viol dans les établissements de soins, le soutien juridique, ainsi que la mise à disposition d’abris pour les survivants.
Des fonds sont également nécessaires pour des activités de sensibilisation afin de prévenir la stigmatisation ou la marginalisation des survivants, ce qui les empêche parfois de demander de l’aide. Compte tenu du nombre élevé de demandes d’avortement de la part des survivants, MSF appelle également à l’adaptation du cadre juridique national pour garantir l’accès à des soins complets d’avortement médical.
La violence sexuelle est une urgence médicale et humanitaire majeure en RDC. Selon les dernières informations du Groupe de Travail sur la Violence Basée sur le Genre (GBV AoR) en RDC, qui compile les données de diverses organisations humanitaires offrant des services de prise en charge de la violence basée sur le genre dans 12 provinces du pays, 55 500 survivants de violences sexuelles ont reçu des soins médicaux au deuxième trimestre de 2024 [4].
Sources :
[1] MSF Canada – RDC : MSF publie des chiffres alarmants sur les admissions liées à la violence sexuelle
[2] MSF – Augmentation massive des violences sexuelles signalées au Nord-Kivu
[3] MSF – Rapport « Nous appelons à l’aide »
[4] ReliefWeb – RDC : Tableau de bord du Sous-Cluster VBG avril-juin 2024
Liens utiles :
- Ministère de la Santé de la RDC
- Organisation mondiale de la Santé – RDC
- ONU Femmes – RDC
- Fonds des Nations unies pour la population – Violence basée sur le genre en RDC
En savoir plus sur CongoHeritage
Subscribe to get the latest posts sent to your email.